lundi 6 mai 2013

Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 24

Une balle dans la tête…
Encore une fois, cette nuit, Jonathan a revu son père mourir, le crâne transpercé par une balle. Pas de tireur, pas de sang, juste un trou tout rond, tout propre, au niveau de la tempe, et une lente agonie dans les bras de son fils.
Dans sa Dodge rouge-orangée filant à pleine vitesse sur l’autoroute, Jonathan a ouvert les fenêtres malgré le vent assourdissant : il aimerait avoir des courants d’air jusqu’à l’intérieur du crâne, remplacer ses souvenirs par une brise fraîche, sans goût, sans odeurs.
Une balle dans la tête, lui aussi en espère une parfois. Souvent, en fait. Il imagine le tracé de la balle traversant de part en part son cerveau, sans dévier, gentil petit soldat faisant son devoir.
Jonathan a redessiné cent fois le sillon du métal dans sa matière grise, molle, docile. Pas d’éclatement des os du crâne, dans ses fantasmes, pas de chairs brûlées par la balle chauffée à blanc au sortir du canon, pas de jets de sang : juste un joli petit trou et une trace propre comme l’onde d’un caillou dans l’eau. Quand il n’en peut plus, comme aujourd’hui, où il braille une chanson débile par les fenêtres ouvertes de sa voiture parce que son crâne va exploser de remords, il ne peut penser qu’à ça pour le soulager : une balle dans la tête et hop ! Le tour est joué ! Comme par miracle, plus de souvenirs de la mort de son père, plus de rêves relatant pour la centième fois son agonie, plus de culpabilité !
Jolie petite balle, délivres-moi du mal… C’est son credo, depuis des années : alors, pourquoi Jonathan ne s’est-il jamais administré son traitement de choc ? Mais parce qu’il veut souffrir, parce qu’il les aime, ses cauchemars ! Voir et revoir son père mourir à longueur de nuits, penser qu’il aurait dû le sauver, l’aimer plus, jours après jours, c’est ce qui le maintient en vie ! Sa douleur, c’est sa Croix, celle qu’il porte et sur laquelle il s’appuie, respiration après respiration, jusqu’à cette mort qu’il entrevoit comme le début de sa vraie vie.
Pour ne pas oublier qu’il aurait dû être plus proche de son pauvre père et l’empêcher de vouloir mourir, Jonathan a choisi depuis des années de devenir dessinateur pour la police. Dévisager des morts à longueur de journées, entendre de loin en loin les sanglots des familles éplorées le long des couloirs de la morgue, croiser des brancards sur lesquels se dessinent les silhouettes muettes de corps mutilés, déchirés, c’est l’essentiel de sa vie, la vérité de son existence.
Quand, harassé, sceptique, il se penchait sur les pages de papier glacé des livres de la bibliothèque de l’Ecole des Beaux-Arts pour y apprendre, par exemple, la spécificité du « rose de Pompéi » comparé aux autres teintes de la même gamme, il ne voyait déjà qu’eux, les visages muets de douleur, les corps disloqués : un « rose de Pompéi » siérait-il plus à un noyé qu’à un grand brûlé ? Comment rendre la vie aux joues livides de la victime d’un tueur en série cannibale ? Peut-on vraiment se permettre de peindre un joli drapé à la robe en lambeaux d’une femme violée et morte étouffée par son propre sang ?
Comme tout cela aurait prêté à rire, si ça n’avait pas été si réel.
Déjà, des années auparavant, tandis que ses camarades étudiants nantis se gargarisaient des grandes théories de l’Art Contemporain, critiques alors qu’ils arrivaient à peine à pondre, à force de nuits épuisées, de pauvres gribouillis à peine dignes des peintres à la chaîne de la Place du Tertre, Jonathan se meurtrissait à ressasser l’inutilité de sa propre vie au milieu de ces petits cons oisifs.
Son cerveau, pendant la journée, l’étouffait d’images de petits enfants sales cassant des pierres dans des carrières pour payer les dettes ancestrales de leur famille ou prostitués par leurs parents. La nuit, son inconscient prenait le relais et le représentait, lui, Jonathan, écrasant sous sa semelle les mains que lui tendaient de vieilles femmes déguenillées et crevant de faim.
Il avait tenu bon jusqu’au diplôme final, faisant croire à tous que rien ne l’intéressait plus dans la vie que ces Beaux-Arts dont il vomissait jusqu’au nom même, cachant le fait qu’aucun Greco ne valait à ses yeux la moindre croûte de pain dans la bouche d’un mendiant affamé.
Diplômé sans gloire mais sans efforts, il avait alors couru se présenter au concours de recrutement des dessinateurs de la police et, depuis, il peignait ces morts qu’il aimait tant parce qu’ils lui rappelaient son père et lui répétaient que toute douleur ici-bas a une fin.
Echevelé, le corps frigorifié mais le visage écarlate, Jonathan arrête sa Dodge devant les grilles de l’Institution Pénitentiaire.
Il a l’impression d’avoir franchi les barrières invisibles d’un nouveau monde, de mettre enfin les pieds dans la vraie vie : ici, derrière le grillage barbelé parsemé de miradors, les murs de béton gris se renvoient les cris des détenus, des hommes qui ont peur, qui ont fait souffrir, qui pleurent, qui tueraient pour une cigarette. Tout un monde inconnu des étudiants des beaux-Arts, et qui pisserait sans remords sur le plus cher des Renoir en échange d’un steak frites dans un bistrot pouilleux.
Sur le chemin bitumé qui le mène au premier poste de contrôle, Jonathan croise une femme seule, grosse, laide, habillée de rose criard, un cabas à la main. Ses cheveux passés à l’eau oxygénée ressemblent à de la paille séchée en plein champ et rappellent ceux des prostituées de la gare de Glasgow : Jonathan la trouve plus belle que la Vénus de Botticelli. Parce que le regard de la grosse femme lui rappelle que la vie est une vraie saloperie, Jonathan l’aime.
Dans les prunelles de la Joconde, chacun peut voir ce qu’il veut : comme une danseuse de peep-show, elle offre aux voyeurs ce qu’ils viennent chercher. Dans le regard de la femme au cabas, pas de cette soumission aux désirs étrangers, pas de concession aux goûts du jour : sa beauté est réservée à un seul homme. Pour le reste du monde, le même avertissement : la vie est une sale maladie que je traîne jours après jours. Si vous ne voulez pas être contaminés, lâchez-moi !
Arrivé devant le premier garde, Jonathan décline son identité en même temps qu’il sort un semblant de laisser-passer gardé d’une soirée donnée trois mois plus tôt en l’honneur du Sergent Graham. Peu regardant, le surveillant le laisse rentrer.
Etrangement, de l’autre côté de la première ligne de barbelés, l’air semble à Jonathan plus léger, le temps plus lent, plus docile. Il se sent plus libre que jamais au milieu de la grande cour entièrement offerte au ciel assorti au gris du sol.
Les rares personnes à arpenter le béton brut longent les murs, de peur de briser l’harmonie fragile qui semble exister entre le ciel et la terre, dans ce carré gris hors du monde. Jonathan, lui, traverse la cour à lentes foulées régulières, comme un roi se dirigeant vers son trône fend la foule de ses sujets fidèles, le regard droit, le but de son trajet toujours en ligne de mire.
Il se dirige vers la petite masse de gens calmes qui fait la queue au fond de la cour, là où l’on peut deviner que se trouve le deuxième poste de garde, celui qui permet de pénétrer dans le bâtiment rectangulaire qui est le vrai cœur de la prison.
La chaleur des corps des visiteurs, amassés devant la porte étrangement petite de l’énorme édifice, se mêle à la moiteur poisseuse qui s’échappe du bâtiment chaque fois qu’un gardien en ouvre la porte pour y laisser passer, au compte-gouttes, les mères et sœurs des détenus, les avocats, un vieil homme seul.
Jonathan attend, profitant de la tiédeur des corps. Il s’est rarement senti aussi bien. Il évite de se demander si son esprit fonctionne de manière tout à fait saine, qui lui fait préférer la compagnie d’inconnus dans la cour d’une prison à une soirée avec ses amis dans le velours feutré des fauteuils Empire d’un bar chic d’Edimbourg. Comme à chaque fois qu’il commence à douter de sa santé mentale, Jonathan barre le passage à ses pensées en les noyant sous des flots de musique débile. Aujourd’hui, ce sont les stances insipides d’une stupidité entendue à la radio qu’il se chantera en boucle dans sa tête, jusqu’à anéantissement total de ses pensées négatives. Le rythme binaire des chansons à la mode est parfait pour réduire à néant n’importe quelle idée, (la meilleure du monde n’y résisterait pas), Jonathan sait cela depuis la mort de son père.
« Monsieur, je peux savoir pourquoi vous attendez ? »
La voix du gardien l’a fait sursauter. Jonathan avait tourné la tête vers une jolie jeune fille à la moue boudeuse et aux paupières baissées lorsque le surveillant s’est approché de lui. Tandis que la mélopée aux paroles répétées jusqu’à l’écœurement s’évanouit en un instant, Jonathan revient sur terre.
« Je travaille pour la police d’Edimbourg ! Je suis venu voir un prisonnier : Barthélémy Woodrow. J’ai des questions à lui poser. » Il devrait dire qu’il sent une faiblesse dans la représentation qu’il a faite de la victime de ce type, que l’observer à la dérobée l’aiderait peut-être à parfaire son tableau, qu’il sent un manque quelque part, qu’il croit pouvoir identifier en présence de Woodrow, qui, après tout, est celui par qui l’œuvre existe… Il préfère se taire et simplifier les choses que de débiter ces absurdités au surveillant…
« Si vous êtes de la police, vous n’avez pas à faire la queue avec tout le monde. Suivez-moi, je vous prie. »
« C’est à dire que… Je ne suis pas vraiment de la police : je travaille avec elle, plutôt. Ou pour elle. »
« Vous avez une accréditation ? »
Jonathan hésite à ressortir son laisser-passer. Mais comme il n’a pas grand-chose à perdre, et que le coup a marché avec le garde à l’entrée, il se permet d’essayer. Le surveillant qui se trouve en face de lui n’a pas l’air commode, ceci dit, mais, bizarrement, Jonathan se sent comme intouchable dans cette cour de prison offerte aux quatre vents.
« J’ai cela : c’est ce qu’on m’a donné pour venir ici, j’espère que cela conviendra ». Lui qui déteste mentir n’a aujourd’hui aucun scrupule, comme si les premiers symptômes d’une prédisposition à la criminalité l’avaient contaminé en s’échappant de la porte d’entrée de la prison dans un nuage d’air vicié.
Le surveillant en uniforme bleu foncé exhale des vapeurs d’after-shave à chaque mouvement, parfaitement ajusté dans une chemise repassée avec soin, comme si l’hygiène corporelle et l’odeur de la lessive pouvaient forger une armure face à cet univers de relents de cantine et de draps jaunis.
Après avoir inspecté le laisser-passer sous toutes les coutures, il le rend à Jonathan comme il l’aurait fait d’un prospectus publicitaire : « Ce n’est pas suffisant, Monsieur. Je ne sais pas qui vous a donné ce papier, mais il ne vaut pas comme accréditation pour témoigner de votre appartenance à la police. Il me semble qu’il s’agit plutôt du genre de document que l’on peut présenter pour rentrer dans une soirée privée, ou quelque chose comme ça. Qu’en pensez-vous ? »
Les bras croisés sur le torse, les jambes légèrement écartées, le surveillant s’est mis sur la défensive. Jonathan a l’impression qu’il va se jeter sur lui et lui passer les menottes pour avoir voulu rentrer en douce dans la prison ! Eh ! On arrête les gens pour vouloir s’en échapper, de cette geôle, pas pour essayer d’y rentrer, non ?! Quelle blague !
« Oh ! Et bien… Je suppose que j’ai tout de même le droit de rendre visite à ce prisonnier, n’est-ce pas ? Comme tous ces gens qui attendent, non ? »
« Tous ces gens, comme vous dites, ont de la famille à l’intérieur et ont dû préalablement à leurs visites faire établir les preuves de leur identité. Si vous êtes apte à faire la même chose, et si vous pouvez me prouver votre collaboration avec la Lothian and Borders Police - puisque le détenu que vous souhaitez rencontrer ne fait pas partie de votre famille, n’est-ce pas ?…- »
« Non, bien sûr ! »
« Pourquoi « bien sûr » ? »
« Mon Dieu, parce que… Je ne sais pas ! » Les oreilles de Jonathan commencent à rougir, premier signe du fait qu’il se sent pris en défaut. Pourtant, tout lui semble si irréel, si léger ! Où a-t-il déjà vu ce genre d’interrogatoire ? Dans un film, évidemment ! Tout défile comme sur un écran blanc devant ses yeux, depuis qu’il a quitté sa voiture ! Encore deux minutes et le type en face de lui va arracher son masque de gentil-gars-qui-joue-au-gros-dur-parce-qu’il-est-gardien-de-prison et : oh ! Jim Carrey !
« Monsieur ? Vous m’écoutez ?! »
Jonathan étouffe un rire nerveux : « Pardonnez-moi ! Je vous écoute. Dites-moi ce que je dois faire pour rendre visite à ce monsieur Woodrow ! C’est vraiment important ! » Si le film doit continuer, autant se mettre dans la peau du personnage : « mon travail implique que je pose certaines questions à cette personne. Barthélémy Woodrow est le principal accusé dans une affaire criminelle qui occupe toutes nos forces de police depuis plusieurs jours. L’interroger me permettrait de recueillir des éléments essentiels à l’avancée de l’enquête. Vous comprenez, n’est-ce pas ? »
« Vous me permettrez donc de téléphoner aux responsables du bureau pour lequel vous travaillez à Fettes Avenue afin de m’assurer de la véracité de vos dires,  dans ce cas-là. »
« Très bon acteur, ce gars…», se dit Jonathan. « Bonne intelligence du texte, d’un naturel désarmant… Ceci dit, aucun mérite : il connaît son rôle depuis bien plus longtemps que moi ! »
« Bien entendu ! », reprend le jeune homme à voix haute. « Vous pouvez demander l’inspecteur Kyle, si vous voulez bien. »
« L’inspecteur chef Kyle a quitté notre établissement il y a à peine une demi-heure. Je doute qu’il soit déjà revenu à son bureau… Il a demandé à voir Barthélémy Woodrow. Vous comprendrez donc que je m’étonne que vous désiriez rendre visite à ce détenu : pourquoi ne pas avoir accompagné votre supérieur ? Vous ne saviez pas qu’il venait ? »
Jonathan commence à trouver le film un peu long… Qu’est-ce qu’il peut savoir des allées et venues de l’inspecteur chef Kyle? A l’heure où l’inspecteur arrivait au bureau, Jonathan, lui, peinait toujours à quitter son lit… Evidemment, ce n’est pas le genre de choses à dire à cette star à la petite semaine, qui le dévisage comme s’il venait de découper sa petite sœur en morceaux, mais, tout de même : personne n’aurait-il pu penser à lui faire lire le scénario avant ?
« En effet, il arrive que L’inspecteur chef Kyle fasse des choses sans m’en avertir ! Bon ! Appelez donc qui que ce soit d’autre au bureau, et je suppose que nous pourrons trouver une solution rapide et que je pourrais commencer à bosser ! »
« C’est cela… D’autant plus que les visites prennent fin dans moins d’un quart d’heure… Ce que vous auriez su si vous vous étiez un peu mieux préparé à venir dans notre établissement aujourd’hui… Eh bien, je vais vous demander d’attendre ici un instant pendant que j’appelle un de vos supérieurs. Vous voulez bien me confier votre carte d’identité, je vous prie ? »



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Un Chemin de Sang, roman policier en français
Un Chemin de Sang: incipit.
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 23
Un Chemin de Sang, les personnages: Fraser, le maître.
Un Chemin de Sang, les personnages: Woodrow, le disciple.

Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 23

Barthélémy S. Woodrow Jr., les mains derrière la tête, couché sur son matelas, regarde passer au plafond de sa cellule les armées de l’Ordre Nouveau.
Harnachés d’argent, les soldats des Temps à Venir défilent, fantômes brillants foulant des champs d’un vert aveuglant sur le fond gris sale de plâtre écaillé.
Sourire aux lèvres, le prisonnier immobile admire les troupes en marche riant et chantant pour lui seul tandis que, dans la prison, résonnent le cliquetis des gamelles à l’approche de l’heure de midi, les injures des détenus et les menaces des gardiens.
« Pleurez, jurez, criez !… L’heure est bientôt venue où vous regretterez vos bassesses ! Dans quelques jours, dans quelques heures, vous vous maudirez de n’avoir pensé qu’à vos ventres insatiables, à votre fichu sommeil, à vos instincts de porcs ! Je vous aurai prévenu, mais vous n’avez pas voulu m’écouter : au moment de mourir, implorant et gémissant, vous regretterez d’avoir couvert mes paroles ! Une dernière fois, je vous le demande : vous repentez-vous devant le compagnon du Maître de l’Ordre Nouveau ? » Woodrow, inconscient du fait que sa mise en demeure n’a pas franchi les barrières de son propre crâne, attend une réponse qui, comme toutes les autres, ne viendra jamais. Communiquant silencieusement avec celui qu’il attend, le Sauveur, Woodrow est désormais convaincu que le monologue intérieur est la seule manière de dialoguer possible, et trouve même dommage de n’y avoir pas pensé plus tôt : toutes ces années à se casser la tête à chercher les mots justes, hausser le ton pour se faire entendre, toujours se faire couper la parole… Maintenant, fini de faire des efforts pour rien : plus de grandes gueules pour vous faire taire, plus de saintes-nitouche pour prendre un air outré parce qu’on n’a pas employé exactement le bon mot à la bonne place ! La communication d’esprits à esprits est quasiment une communion, et permet de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie : y répondent les esprits supérieurs, et de ce fait élus par l’Ordre à Venir. Quant aux autres, leur surdité les condamne à périr irrémédiablement !
Quel soulagement que de savoir dès à présent avec qui on va se partager le monde, à l’avenir !
Ces derniers jours en prison ont permis à Woodrow de savoir que personne autour de lui n’allait le suivre aux côtés du Maître et, à son égal, faire partie du monde de demain. Dans son esprit, il n’a entendu que la voix de son Sauveur, (le Sauveur de l’Humanité nouvelle !), qui lui répondait.
Se pourrait-il que lui seul, petit homme infirme en comparaison de la grandeur de Celui que le monde attend, ait été choisi pour seconder le Maître ? Non, bien sûr, il le sait en contemplant les armures brillantes des soldats qui défilent au plafond de sa cage de béton : l’armée du Rédempteur est infinie ! C’est qu’elle doit être au moins aussi puissante que la foule des ignorants pour écraser toutes ces mesquineries et cette stupidité crasse qui règnent encore sur la terre… Demain sonnera l’heure où les imbéciles s’étoufferont dans leurs propres sanglots, implorant pitié, s’excusant de n’avoir pas répondu à l’appel de la voix intérieure. En attendant, Woodrow continue d’invectiver ceux qui l’entourent, les sommant de répondre à ses appels silencieux avant la venue du Bienfaiteur, qu’il sent de plus en plus imminente.
« Woodrow ! De la visite ! Levez-vous ! »
« Ne prends pas cet air agressif, pauvre homme ! » Sans prononcer un mot, le prisonnier s’adresse au gardien en le fixant d’un regard d’inquisiteur résistant à la tentation de la pitié. « Savoir que tu es condamné ne te donne pas le droit de te venger sur moi ! Comme je te plains ! Non, je ne te sauverai pas, il n’y aura pas d’exception… Tu peux pleurer, tempêter, frapper, je ne t’accorderai aucun privilège ! Il ne te reste qu’à te repentir… C’est pour ton bien que je te dis cela…»
« Approche ici ! Dos aux barreaux, les mains derrière le dos ! »
« Tu aimerais que ta voix tonne jusqu’à couvrir tes sanglots intérieurs, mais j’entends tout ! L’heure n’est pourtant pas encore aux larmes : demain sera pour toi encore bien pire qu’aujourd’hui, alors garde tes forces, tu en auras besoin… » Le prisonnier obéissant colle son dos aux barreaux d’acier froid, sans un bruit. La tête basse, on le croirait en pénitence : il songe qu’il aimerait pouvoir en sauver un, rien qu’un, de ces pauvres diables promis à la mort, parce qu’on est peut-être un plus grand chef quand on montre de la miséricorde, non ?
Mais non, quelle mascarade ! Pas la peine de feindre la pitié, il n’y croit pas lui-même ! Vivement l’anéantissement de tous ces petits esprits seulement capables de minuscules vilenies : songeant qu’il s’est bien amusé, l’espace d’un instant, à singer le Pardon, il ricane doucement, dos à son geôlier. « Mais Dieu que ce monde est stupide ! Celui-là, qui croit être fort parce qu’il a une arme à la ceinture et dans les mains un trousseau de clefs, celui-là croit que je le crains et, pire ! pense même peut-être que je l’envie ! Je lui ferai voir, au dernier jour : sous la semelle de mes chaussures je le maintiendrai, et jusqu’à son dernier souffle je le laisserai m’implorer ! Au moment où il croira qu’enfin je vais le sauver, je l’écraserai et ferai craquer ses os en sifflotant, avant de passer au suivant ! »


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Un Chemin de Sang, roman policier en français
Un Chemin de Sang: incipit.
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 24
Un Chemin de Sang, les personnages: Fraser, le maître.
Un Chemin de Sang, les personnages: Woodrow, le disciple.

vendredi 3 mai 2013

Lettre d'adieu de Virginia Woolf

Traduction: Joy Instead




Jeudi

Très cher,

Je suis sûre que je deviens folle une fois de plus. Je sens que nous n'arriverons pas à traverser une autre de ces terribles épreuves. Et je ne m'en relèverai pas cette fois. Je commence à entendre des voix, et je ne peux plus me concentrer. Alors je fais ce qui me semble la meilleure chose à faire. Tu m'as donnée le plus grand bonheur possible. Tu as été en chaque cas tout ce que l'on pouvait être. Je ne crois pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses jusqu'à ce que cette terrible maladie surgisse. Je ne peux lutter plus longtemps. Je sais que je gâche ta vie, que, sans moi, tu pourrais travailler. Et tu le feras, je le sais. Tu vois, je n'arrive même pas à écrire cela correctement. Je n'arrive pas à lire. Ce que je veux dire est que je te dois tout le bonheur de ma vie. Tu as été totalement patient avec moi et incroyablement bon. Je veux le dire - tout le monde le sait. Si quelqu'un avait pu me sauver, cela aurait été toi. Tout m'échappe, excepté la certitude de ta bonté. Je ne peux continuer à gâcher ta vie plus longtemps.
Je ne crois pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l'avons été.

V.




Virginia Woolf's last letter

jeudi 2 mai 2013

Virginia Woolf's last letter

Lettre d'adieu de Virginia Woolf

Tuesday.

Dearest,

I feel certain that I am going mad again. I feel we can't go through another of those terrible times. And I shan't recover this time. I begin to hear voices, and I can't concentrate. So I am doing what seems the best thing to do. You have given me the greatest possible happiness. You have been in every way all that anyone could be. I don't think two people could have been happier till this terrible disease came. I can't fight any longer. I know that I am spoiling your life, that without me you could work. And you will I know. You see I can't even write this properly. I can't read. What I want to say is I owe all the happiness of my life to you. You have been entirely patient with me and incredibly good. I want to say that — everybody knows it. If anybody could have saved me it would have been you. Everything has gone from me but the certainty of your goodness. I can't go on spoiling your life any longer.

I don't think two people could have been happier than we have been.

V.




Lettre d'adieu de Virginia Woolf à Leonard, son mari
Portrait de Virginia Woolf enfant, songeuse
"Mais la seule vie qui soit passionnante est la vie imaginaire.
Une fois que les roues recommencent à tourner dans ma tête,
je n'ai presque plus besoin d'argent ni de robe, ni même d'un buffet, pas plus que d'un lit à Rodmell ou d'un sofa."

Virginia Woolf, extrait du "Journal d'un écrivain"

Virginia Woolf: "A Room of One's Own", extrait

Why did men drink wine and women water ? Why was one sex so prosperous and the other so poor ? What effect has poverty on fiction ? What conditions are necessary for the creation of works of art ? — a thousand questions at once suggested themselves. But one needed answers, not questions ; and an answer was only to be had by consulting the learned and the unprejudiced, who have removed themselves above the strife of tongue and the confusion of body and issued the result of their reasoning and research in books which are to be found in the British Museum. If truth is not to be found on the shelves of the British Museum, where, I asked myself, picking up a notebook and a pencil, is truth ?

Thus provided, thus confident and enquiring, I set out in the pursuit of truth. The day, though not actually wet, was dismal, and the streets in the neighbourhood of the Museum were full of open coal-holes, down which sacks were showering ; four-wheeled cabs were drawing up and depositing on the pavement corded boxes containing, presumably, the entire wardrobe of some Swiss or Italian family seeking fortune or refuge or some other desirable commodity which is to be found in the boarding-houses of Bloomsbury in the winter. The usual hoarse-voiced men paraded the streets with plants on barrows. Some shouted ; others sang. London was like a workshop. London was like a machine. We were all being shot backwards and forwards on this plain foundation to make some pattern. The British Museum was another department of the factory. The swing-doors swung open ; and there one stood under the vast dome, as if one were a thought in the huge bald forehead which is so splendidly encircled by a band of famous names. One went to the counter ; one took a slip of paper ; one opened a volume of the catalogue, and the five dots here indicate five separate minutes of stupefaction, wonder and bewilderment. Have you any notion of how many books are written about women in the course of one year ? Have you any notion how many are written by men ? Are you aware that you are, perhaps, the most discussed animal in the universe ? Here had I come with a notebook and a pencil proposing to spend a morning reading, supposing that at the end of the morning I should have transferred the truth to my notebook. But I should need to be a herd of elephants, I thought, and a wilderness of spiders, desperately referring to the animals that are reputed longest lived and most multitudinously eyed, to cope with all this. I should need claws of steel and beak of brass even to penetrate the husk. How shall I ever find the grains of truth embedded in all this mass of paper ? I asked myself, and in despair began running my eye up and down the long list of titles. Even the names of the books gave me food for thought. Sex and its nature might well attract doctors and biologists ; but what was surprising and difficult of explanation was the fact that sex — woman, that is to say — also attracts agreeable essayists, light-fingered novelists, young men who have taken the M.A. degree ; men who have taken no degree ; men who have no apparent qualification save that they are not women. Some of these books were, on the face of it, frivolous and facetious ; but many, on the other hand, were serious and prophetic, moral and hortatory. Merely to read the titles suggested innumerable schoolmasters, innumerable clergymen mounting their platforms and pulpits and holding forth with loquacity which far exceeded the hour usually alloted to such discourse on this one subject. It was a most strange phenomenon ; and apparently — here I consulted the letter M — one confined to the male sex. Women do not write books about men — a fact that I could not help welcoming with relief, for if I had first to read all that men have written about women, then all that women have written about men, the aloe that flowers once in a hundred years would flower twice before I could set pen to paper. So, making a perfectly arbitrary choice of a dozen volumes or so, I sent my slips of paper to lie in the wire tray, and waited in my stall, among the other seekers for the essential oil of truth.

What could be the reason, then, of this curious disparity, I wondered, drawing cart-wheels on the slips of paper provided by the British taxpayer for other purposes. Why are women, judging from this catalogue, so much more interesting to men than men are to women ? A very curious fact it seemed, and my mind wandered to picture the lives of men who spend their time in writing books about women ; whether they were old or young, married or unmarried, red-nosed or hump-backed — anyhow, it was flattering, vaguely, to feel oneself the object of such attention provided that it was not entirely bestowed by the crippled and the infirm — so I pondered until all such frivolous thoughts were ended by an avalanche of books sliding down on to the desk in front of me. Now the trouble began. The student who has been trained in research at Oxbridge has no doubt some method of shepherding his question past all distractions till it runs into his answer as a sheep runs into its pen. The student by my side, for instance, who was copying assiduously from a scientific manual, was, I felt sure, extracting pure nuggets of the essential ore every ten minutes or so. His little grunts of satisfaction indicated so much. But if, unfortunately, one has had no training in a university, the question far from being shepherded to its pen flies like a frightened flock hither and thither, helter-skelter, pursued by a whole pack of hounds. Professors, schoolmasters, sociologists, clergymen, novelists, essayists, journalists, men who had no qualification save that they were not women, chased my simple and single question — Why are some women poor ? — until it became fifty questions ; until the fifty questions leapt frantically into midstream and were carried away. Every page in my notebook was scribbled over with notes. To show the state of mind I was in, I will read you a few of them, explaining that the page was headed quite simply, WOMEN AND POVERTY, in block letters ; but what followed was something like this :
Condition in Middle Ages of,
Habits in the Fiji Islands of,
Worshipped as goddesses by,
Weaker in moral sense than,
Idealism of,
Greater conscientiousness of,
South Sea Islanders, age of puberty among,
Attractiveness of,
Offered as sacrifice to,
Small size of brain of,
Profounder sub-consciousness of,
Less hair on the body of,
Mental, moral and physical inferiority of,
Love of children of,
Greater length of life of,
Weaker muscles of,
Strength of affections of,
Vanity of,
Higher education of,
Shakespeare’s opinion of,
Lord Birkenhead’s opinion of,
Dean Inge’s opinion of,
La Bruyere’s opinion of,
Dr Johnson’s opinion of,
Mr Oscar Browning’s opinion of,…
Here I drew breath and added, indeed, in the margin, Why does Samuel Butler say, ‘Wise men never say what they think of women’ ? Wise men never say anything else apparently. But, I continued, leaning back in my chair and looking at the vast dome in which I was a single but by now somewhat harassed thought, what is so unfortunate is that wise men never think the same thing about women. Here is Pope :
Most women have no character at all.
And here is La Bruyère :
Les femmes sont extrêmes, elles sont meilleures ou pires que les
hommes —
a direct contradiction by keen observers who were contemporary. Are they capable of education or incapable ? Napoleon thought them incapable. Dr Johnson thought the opposite. [* ‘“Men know that women are an overmatch for them, and therefore they choose the weakest or the most ignorant. If they did not think so, they never could be afraid of women knowing as much as themselves.” . . . In justice to the sex, I think it but candid to acknowledge that, in a subsequent conversation, he told me that he was serious in what he said.’ — BOSWELL, THE JOURNAL OF A TOUR TO THE HEBRIDES.] Have they souls or have they not souls ? Some savages say they have none. Others, on the contrary, maintain that women are half divine and worship them on that account. [* ‘The ancient Germans believed that there was something holy in women, and accordingly consulted them as oracles.' — FRAZER, GOLDEN BOUGH.] Some sages hold that they are shallower in the brain ; others that they are deeper in the consciousness. Goethe honoured them ; Mussolini despises them. Wherever one looked men thought about women and thought differently. It was impossible to make head or tail of it all, I decided, glancing with envy at the reader next door who was making the neatest abstracts, headed often with an A or a B or a C, while my own notebook rioted with the wildest scribble of contradictory jottings. It was distressing, it was bewildering, it was humiliating. Truth had run through my fingers. Every drop had escaped.

I could not possibly go home, I reflected, and add as a serious contribution to the study of women and fiction that women have less hair on their bodies than men, or that the age of puberty among the South Sea Islanders is nine — or is it ninety ? — even the handwriting had become in its distraction indecipherable. It was disgraceful to have nothing more weighty or respectable to show after a whole morning’s work. And if I could not grasp the truth about W. (as for brevity’s sake I had come to call her) in the past, why bother about W. in the future ? It seemed pure waste of time to consult all those gentlemen who specialize in woman and her effect on whatever it may be — politics, children, wages, morality — numerous and learned as they are. One might as well leave their books unopened. But while I pondered I had unconsciously, in my listlessness, in my desperation, been drawing a picture where I should, like my neighbour, have been writing a conclusion. I had been drawing a face, a figure. It was the face and the figure of Professor von X engaged in writing his monumental work entitled THE MENTAL, MORAL, AND PHYSICAL INFERIORITY OF THE FEMALE SEX. He was not in my picture a man attractive to women. He was heavily built ; he had a great jowl ; to balance that he had very small eyes ; he was very red in the face. His expression suggested that he was labouring under some emotion that made him jab his pen on the paper as if he were killing some noxious insect as he wrote, but even when he had killed it that did not satisfy him ; he must go on killing it ; and even so, some cause for anger and irritation remained. Could it be his wife, I asked, looking at my picture ? Was she in love with a cavalry officer ? Was the cavalry officer slim and elegant and dressed in astrakhan ? Had he been laughed at, to adopt the Freudian theory, in his cradle by a pretty girl ? For even in his cradle the professor, I thought, could not have been an attractive child. Whatever the reason, the professor was made to look very angry and very ugly in my sketch, as he wrote his great book upon the mental, moral and physical inferiority of women.



lundi 29 avril 2013

Virginia Woolf: "Une Chambre à Soi", incipit

Traduit de "A Room of One's Own"
Traduction: Joy Instead

"Mais, me direz-vous, nous vous avons demandé de parler de femmes et de fiction, qu'est-ce que cela a à voir avec une chambre à soi ? Je vais essayer de l'expliquer. Lorsque vous m'avez demandé de parler de femmes et de fiction, je me suis assise sur les berges d'une rivière et ai commencé à m'interroger sur la signification de ces mots. Peut-être signifient-ils simplement quelques remarques sur Fanny Burney; quelques autres à propos de Jane Austen; un hommage aux Brontës et l'évocation du Presbytère Haworth sous la neige; si possible quelque chose de spirituel à propos de Miss Mitford; une allusion respectueuse à George Eliot; une référence à Miss Gaskell et j'en aurai fini. Mais, à y regarder de plus près, les mots n'ont plus paru si simples. Le titre "femmes et fiction" pourrait signifier, et peut-être avez-vous fait en sorte qu'il signifie: les femmes et leurs façons d'être, ou encore: les femmes et les romans qu'elles écrivent; ou bien: les femmes et les romans écrits à leur propos, ou il pourrait signifier, en quelque sorte, que ces trois acceptions sont inextricablement liées et que vous attendez de moi que je les aborde de cette façon.
Mais, quand j'ai commencé à considérer le sujet sous ce dernier angle, qui semblait le plus intéressant, je me suis vite aperçue qu'il présentait un inconvénient majeur: je ne serai jamais capable d'en arriver à une conclusion, je ne parviendrai jamais à remplir ce qui, je l'accorde, est le premier devoir d'un conférencier: vous confier, après une heure à discourir, une pépite de pure vérité à emmailloter entre les pages de vos carnets et à garder sur le dessus de la cheminée pour toujours. Tout ce que j'étais capable de faire était de vous offrir mon opinion sur un point mineur: une femme se doit d'avoir de l'argent et une pièce à elle si elle projette d'écrire de la fiction; et cela, comme vous le constaterez, laisse irrésolu le grand problème de la vraie nature de la femme et de la vraie nature de la fiction. Je me suis soustraite à mon devoir quant à trancher ces deux questions - les femmes et la fiction demeurent, pour moi, des problèmes irrésolus.
Mais, pour m'amender, je vais faire ce que je peux pour vous montrer comment j'en suis arrivée à ce point de vue concernant la pièce et l'argent. Je vais développer en votre présence, aussi pleinement et librement que possible, le fil des idées m'ayant menée à penser cela. Peut-être, si je mets à nu les idées et préjugés derrière cette assertion, vous découvrirez qu'ils exercent une certaine influence sur les femmes et sur la fiction. Dans tous les cas, quand un sujet est hautement source de controverse - et toute question relative au sexe l'est - on ne peut espérer dire la vérité. L'on ne peut que montrer comment on en est arrivé à tenir l'opinion que l'on tient. L'on ne peut que donner à son auditoire la chance de tirer ses propres conclusions de l'observation des limites, des préjuges et des singularités de celui qui s'exprime. La fiction, ici, contiendra probablement plus de vérité que de fait. De ce fait je propose, usant de toutes les libertés d'un romancier, de vous raconter l'histoire des deux jours ayant précédé ma venue ici - comment, courbée sous le poids du sujet dont vous m'avez chargé les épaules, je l'ai jaugé et l'ai inclus à ma vie quotidienne. Nul besoin pour moi de dire que ce que je m'apprête à décrire n'a pas d'existence; Oxbridge est une invention; ainsi que Fernham; "je" n'est qu'un terme commode pour quelqu'un n'ayant pas d'être réel. Les mensonges couleront de ma bouche, mais il se pourrait que quelque vérité y soit mêlée; c'est à vous de chercher cette vérité et de décider si oui ou non une partie mérite d'en être conservée. Si la réponse est non, vous jetterez le tout dans la corbeille à papiers et oublierez tout cela.

J'en étais donc là, (nommez-moi Mary Beton, Mary Seton, Mary Carmichael ou comme bon vous semble - cela n'a aucune importance), assise sur les bords d'une rivière il y a de cela une semaine ou deux, sous le doux temps d'Octobre, perdue dans mes pensées. Ce joug que j'ai évoqué, "les femmes et la fiction", le besoin d'en arriver à une quelconque conclusion sur un sujet donnant naissance à toutes sortes de préjugés et de passions, courbait ma tête jusqu'au sol. A droite et à gauche, des buissons de toutes sortes, dorés et pourpres, brillaient et semblaient même enflammés. Sur la berge opposée, les sols pleuraient, en perpétuelle lamentation, les cheveux aux épaules. La rivière reflétait ce qu'elle voulait de ciel, de pont et d'arbre brûlant, et, une fois l'étudiant ayant plongé ses rames dans les reflets ils se refermaient, complètement, comme s'il n'avait jamais été là.
L'on aurait pu rester indéfiniment là, perdu dans ses pensées. Une pensée - pour lui donner un nom plus ronflant que celui qu'elle méritait - avait mené sa barque au fil du courant. Elle tanguait de-ci, de-là, minute après minute, entre les reflets et les algues, laissant l'eau la soulever et la noyer jusqu'à ce que - vous connaissez la prise - la matérialisation soudaine d'une idée au bout de la ligne, les trésors d'attention à déployer pour s'assurer qu'elle est bien prisonnière, les précautions à prendre pour l'en extirper. Hélas, étendue sur le sol, comme mon idée semblait petite et insignifiante; le genre de poisson qu'un bon pêcheur remet à l'eau pour qu'il grossisse et soit un jour bon à cuisiner et à manger. Je ne vous importunerai pas avec cette pensée à présent, quoique, pour peu que vous y regardiez de plus près, vous la découvrirez de vous-mêmes au fil de la discussion qui va suivre.
Quelque petite qu'elle fût, elle possédait néanmoins l'apanage mystérieux de son espèce - ayant réintégré sa place dans mon esprit, elle devint d'un coup très excitante et importante; et, tandis qu'elle me titillait et se dérobait, réapparaissant comme un éclair de-ci, de-là, déclencha un tel tumulte d'idées qu'il me fut impossible de demeurer assise tranquille. C'est ainsi que je me retrouvais à traverser un carré d'herbe à toute vitesse. Instantanément, une figure masculine surgit pour m'intercepter. Je n'ai pas compris tout de suite que les gesticulations de cet objet de curieuse apparence, avec son manteau déchiré et sa chemise de soirée, m'étaient destinées. Son visage exprimait l'horreur et l'indignation. L'instinct plus que la raison vint à mon secours: il était Appariteur, et moi une femme; là était le gazon, et là le chemin. Seuls les lettrés et leurs pairs avaient droit d'être ici; pour moi, c'était le gravier. Ces pensées ne prirent qu'un instant. Comme je regagnais le chemin, les bras de l'Appariteur s'abaissèrent, son visage reprit sa quiétude habituelle et, quoique le gazon soit plus agréable que le gravier, il n'y eut pas grand mal de fait. La seule chose que je puisse retenir contre les lettrés et leurs pairs de quelque Université qu'il se soit agi est que, en protégeant leur gazon, roulé depuis 300 ans sans interruption, ils ont forcé mon petit poisson à aller se cacher".

Virginia Woolf: "A Room of One's Own", incipit

But, you may say, we asked you to speak about women and fiction — what, has that got to do with a room of one’s own ? I will try to explain. When you asked me to speak about women and fiction I sat down on the banks of a river and began to wonder what the words meant. They might mean simply a few remarks about Fanny Burney ; a few more about Jane Austen ; a tribute to the Brontës and a sketch of Haworth Parsonage under snow ; some witticisms if possible about Miss Mitford ; a respectful allusion to George Eliot ; a reference to Mrs Gaskell and one would have done. But at second sight the words seemed not so simple. The title women and fiction might mean, and you may have meant it to mean, women and what they are like, or it might mean women and the fiction that they write ; or it might mean women and the fiction that is written about them, or it might mean that somehow all three are inextricably mixed together and you want me to consider them in that light.
But when I began to consider the subject in this last way, which seemed the most interesting, I soon saw that it had one fatal drawback. I should never be able to come to a conclusion. I should never be able to fulfil what is, I understand, the first duty of a lecturer to hand you after an hour’s discourse a nugget of pure truth to wrap up between the pages of your notebooks and keep on the mantelpiece for ever. All I could do was to offer you an opinion upon one minor point — a woman must have money and a room of her own if she is to write fiction ; and that, as you will see, leaves the great problem of the true nature of woman and the true nature of fiction unsolved. I have shirked the duty of coming to a conclusion upon these two questions — women and fiction remain, so far as I am concerned, unsolved problems.
But in order to make some amends I am going to do what I can to show you how I arrived at this opinion about the room and the money. I am going to develop in your presence as fully and freely as I can the train of thought which led me to think this. Perhaps if I lay bare the ideas, the prejudices, that lie behind this statement you will find that they have some bearing upon women and some upon fiction. At any rate, when a subject is highly controversial — and any question about sex is that — one cannot hope to tell the truth. One can only show how one came to hold whatever opinion one does hold. One can only give one’s audience the chance of drawing their own conclusions as they observe the limitations, the prejudices, the idiosyncrasies of the speaker. Fiction here is likely to contain more truth than fact. Therefore I propose, making use of all the liberties and licences of a novelist, to tell you the story of the two days that preceded my coming here — how, bowed down by the weight of the subject which you have laid upon my shoulders, I pondered it, and made it work in and out of my daily life. I need not say that what I am about to describe has no existence ; Oxbridge is an invention ; so is Fernham ; ‘I’ is only a convenient term for somebody who has no real being. Lies will flow from my lips, but there may perhaps be some truth mixed up with them ; it is for you to seek out this truth and to decide whether any part of it is worth keeping. If not, you will of course throw the whole of it into the waste-paper basket and forget all about it.



Here then was I (call me Mary Beton, Mary Seton, Mary Carmichael or by any name you please — it is not a matter of any importance) sitting on the banks of a river a week or two ago in fine October weather, lost in thought. That collar I have spoken of, women and fiction, the need of coming to some conclusion on a subject that raises all sorts of prejudices and passions, bowed my head to the ground. To the right and left bushes of some sort, golden and crimson, glowed with the colour, even it seemed burnt with the heat, of fire. On the further bank the willows wept in perpetual lamentation, their hair about their shoulders. The river reflected whatever it chose of sky and bridge and burning tree, and when the undergraduate had oared his boat through the reflections they closed again, completely, as if he had never been. There one might have sat the clock round lost in thought. Thought — to call it by a prouder name than it deserved — had let its line down into the stream. It swayed, minute after minute, hither and thither among the reflections and the weeds, letting the water lift it and sink it until — you know the little tug — the sudden conglomeration of an idea at the end of one’s line : and then the cautious hauling of it in, and the careful laying of it out ? Alas, laid on the grass how small, how insignificant this thought of mine looked ; the sort of fish that a good fisherman puts back into the water so that it may grow fatter and be one day worth cooking and eating. I will not trouble you with that thought now, though if you look carefully you may find it for yourselves in the course of what I am going to say.

But however small it was, it had, nevertheless, the mysterious property of its kind — put back into the mind, it became at once very exciting, and important ; and as it darted and sank, and flashed hither and thither, set up such a wash and tumult of ideas that it was impossible to sit still. It was thus that I found myself walking with extreme rapidity across a grass plot. Instantly a man’s figure rose to intercept me. Nor did I at first understand that the gesticulations of a curious-looking object, in a cut-away coat and evening shirt, were aimed at me. His face expressed horror and indignation. Instinct rather than reason came to my help, he was a Beadle ; I was a woman. This was the turf ; there was the path. Only the Fellows and Scholars are allowed here ; the gravel is the place for me. Such thoughts were the work of a moment. As I regained the path the arms of the Beadle sank, his face assumed its usual repose, and though turf is better walking than gravel, no very great harm was done. The only charge I could bring against the Fellows and Scholars of whatever the college might happen to be was that in protection of their turf, which has been rolled for 300 years in succession they had sent my little fish into hiding.

dimanche 28 avril 2013

Qu'écrire chaque jour ?

L'on peut être persuadé du bien-fondé de l'écriture quotidienne sans pourtant savoir vraiment quoi écrire...
Doutant de mes capacités à répondre de manière exhaustive à la question, je la pose à une de mes meilleures amies, la barre de recherches de Google: en deuxième position des réponses directement liées à la requête "Qu'écrire chaque jour ?" apparaît le blog que vous avez sous les yeux en ce moment même, ce qui est déjà un bon début! Avant lui et à sa suite, d'autres blogs et 1 ou 2 articles, aucun n'abordant directement la question: donc, pour moi, pas de réponse canonique à vous restituer.

La question: "sur quel sujet vais-je écrire aujourd'hui?" n'aurait-elle pas de raison d'être? Serais-je la seule à réfléchir longuement, lors de l'accomplissement de ma routine quotidienne, au(x) thème(s) à aborder lorsqu'enfin libre d'écrire? J'en doute...

Le fait d'écrire une fiction structurée par un début, des événements, une conclusion; des personnages aux caractères définis, une chronologie, des lieux précis; une intrigue comme fil directeur... permet de réduire le champ des interrogations quant au "qu'écrire" au quotidien, (je consacrerai un article complet, voire une série, à la fidèle "angoisse de la page blanche": je l'oublie donc volontairement ici). Mais..., et le reste du temps? Nous n'écrivons pas nécessairement de romans à longueur d'années mais devons et aimons écrire tous les jours; certains d'entre nous n'ont pas envie d'écrire une fiction au long cours; d'aucuns aimeraient bien mais ne peuvent pas... Alors?

Alors, plusieurs options:
1) celle que tout le monde connait: le journal intime. Inconvénient: son caractère... intime. Le fait d'écrire chaque jour n'implique pas nécessairement que ce que nous écrivons doive être lu par qui que ce soit, néanmoins, un lectorat peut être une bonne chose, notamment pour qui désire être publié un jour, (et ne me dites pas que cela vous parait évident: on aurait pu remplir la bibliothèque d'Alexandrie des œuvres géniales de poètes maudits persuadés que le monde découvrirait spontanément leur grandeur). Ecrire est, en soi, le meilleur exercice d'écriture qui puisse exister: en revanche, le faire sur un support destiné à rester privé nous protège certes de tout commentaire, mais nous en prive aussi.
Donc, rédiger son journal intime quotidiennement me semble être une excellente discipline, (quelque peu moquée en France, d'ailleurs, et pourquoi ?), mais en gardant à l'esprit qu'il est parfois bon de faire lire ce que l'on a écrit.

2) Ecrire pour être édité. Dans ce cas-là, la réponse à notre interrogation en titre: "qu'écrire chaque jour ?" trouve naturellement sa réponse: un texte qui va plaire à une maison d'éditions. Voilà, fin de l'article... Bon, trêve de plaisanterie, je crois ne pas avoir besoin de m'étendre sur l'inanité de cette dernière assertion...
Je rappellerai simplement que: écrire bien n'est pas forcément gage de reconnaissance; éditeurs et lecteurs n'ont pas forcément les mêmes goûts; être édité ne signifie pas nécessairement être un bon écrivain...

3) Le mélange entre le journal intime et son roman disponible dans toutes les librairies? Le BLOG! "Qu'écrire chaque jour?": Ecrire un blog! Textes que l'on rédige pour un public, liberté de choix des thèmes, commentaires disponibles... Le blog permet de rédiger quotidiennement en partant de thèmes choisis librement tout en restant dans un cadre que l'on a soi-même défini. Ecrivez pour vous-même et les commentaires, (ou, justement, l'absence de commentaires), ne tarderont pas à vous remettre dans le droit chemin. A l'inverse, rédigez en cherchant à plaire à tous coups à votre lectorat et vous découvrirez bien vite qu'il n'existe pas de formule miracle pour cela. En revanche, travaillez le fond, la forme, la recherche et la créativité et, avec un peu de patience, vous verrez vos efforts récompensés.
Savoir qu'écrire, lorsqu'on publie dans son blog, vient naturellement: au fil des jours, vous apprenez à vous concentrer sur votre thème, (et peu importe que ce soit la littérature, la tarte aux fraises ou la culture du pois gourmand dans le Sud du Berry sous la IV° République).
Tenir un blog apprend à relativiser: souvent, j'ai envie d'écrire parce que je me suis sentie agressée pendant la journée, et j'ai besoin de l'extérioriser, de dénoncer cette injustice dont j'estime avoir été victime! Mais, lorsqu'arrive le moment où je peux enfin écrire dans mon blog, je trouve des choses bien plus intéressantes à raconter, car je parle de ce que j'aime: de littérature, d'écriture, de textes... Cela rend les méchancetés de la journée soudain bien inoffensives et leur redonne leur juste place, insignifiante.
Autre avantage indéniable du blog pour qui a besoin de s'astreindre à écrire chaque jour: Google adore les blogs dont l'auteur poste de nouveaux messages très régulièrement. Votre blog sera donc mieux positionné si vous y publiez tous les jours, vous aurez donc plus de lecteurs, et donc plus de raisons d'écrire, et donc plus de publications, et donc un meilleur positionnement, et donc plus de lecteurs, et donc plus de raisons d'écrire...


jeudi 25 avril 2013

Pourquoi écrire chaque jour ?

Qui aurait l'idée d'écrire chaque jour s'il n'était poussé par la nécessité de le faire ?
Que d'aucuns, dont c'est le métier, s'astreignent à aligner mots et phrases pendant leurs heures de bureau, parce qu'ils sont payés pour cela, me semble aussi logique que le fait pour un balayeur de balayer et pour un fabricant de voitures de fabriquer des voitures:

il est des métiers pour lesquels il faut écrire chaque jour

parce que c'est stipulé sur un contrat de travail, et voilà. Le week-end, exit la corvée d'écriture, on reprendra le collier, et le clavier, Lundi.

En revanche, que des êtres humains (a priori normalement constitués),

après une journée de travail plus ou moins enrichissante

, (de balayage, de fabrication de voitures ou que sais-je),

s'échinent à enfanter des textes que personne ne leur a demandé d'écrire

,

sur un sujet que personne ne leur a imposé

, pour un résultat qu'eux-mêmes trouveront une fois sur deux absolument au-dessous de tout, et provoquant, (si tant est que l'auteur ait suffisamment peu honte du ridicule pour oser présenter son "oeuvre" (...) à son entourage), franches rigolades et demi-compliments hypocrites,
réponses négatives stéréotypées des rares maisons d'édition
ayant eu la politesse de se rendre compte qu'on leur avait envoyé le nouveau chef-d'oeuvre inconnu du millénaire, baisse d'estime de soi de l'écrivain maudit et retour hystérique à une vie parfaitement normale, investissement à 200% dans la routine quotidienne, que l'on déteste tant que l'on est un-grand-romancier-dévoré-par-le-feu-divin-de-la-création-littéraire mais qui, une fois le grand romancier persuadé d'être finalement un pauvre naze, devient étrangement réconfortante.

Compte tenu de la longueur de la phrase précédente, vous aurez compris que les arguments justifiant la question:

"Non mais, sérieusement, pourquoi écrire quotidiennement si on n'y est pas absolument forcé ???!!!"

, ne manquent pas.

Alors? Alors, le fait d'écrire chaque jour me semble bon pour:
- apprendre à regarder: comprendre que

l'événement le plus banal peut être le prétexte à un texte original

, déroutant, émouvant, drôle, triste, effrayant... Écrivons chaque jour à propos du "bonjour! " de la boulangère ou de la promenade que nous avons faite avec notre chien et nous comprendrons qu'

il n'est pas nécessaire d'attendre la divine inspiration ou l'idée géniale pour écrire un bon texte

.

La vie suffit.


- apprendre à écrire: relisons le lendemain ce que nous avons écrit la veille et pensons à la manière dont nous pourrions le réécrire pour que ce soit encore meilleur.

Barrons, effaçons, reprenons-nous

sans vergogne pour arriver à un résultat dont nous puissions être fiers. Oups, le grand mot! Car si

un pianiste ne peut viser l'excellence qu'au prix de gammes faites et refaites au fil des heures, des jours et des années,

pourquoi nous, qui aimerions bien être reconnus comme de bons écrivains, pourrions-nous nous passer de nous entraîner? Et si l'on accepte de bonne grâce

la fierté du pianiste virtuose

parce que l'on sait qu'elle résulte d'heures de labeur et d'années de remise en questions, qui pourrait moquer la nôtre, à nous qui écrivons chaque jour, semaines après semaines, années après années, et réécrivons, et façonnons de nouveau, et 100 fois, sur le métier, remettons notre ouvrage?

- apprendre à dire: trouver un seul mot qui puisse remplacer toute une phrase; faire parler ses personnages comme de vrais êtres humains, des entités individuelles, le fruit d'histoires diverses et pas

les stéréotypes du best-seller du moment

; savoir faire causer un chat, entendre cogiter une lampe de chevet,

ressusciter les morts dans un dialogue:

cela, pas moyen d'y parvenir sans s'y essayer avec acharnement et persévérance, par à-coups d'essais et d'échecs. Le seul apte à juger de la crédibilité du monologue de votre table basse, c'est vous, parce que, a priori, il n'y a que vous qui l'ayez entendue papoter: donc, réécrivez jusqu'à ce que vous soyez convaincu du bien-fondé de votre prose parce que, sur ce point précis, personne ne peut vous aider.

- apprendre à lire: relisez vos

auteurs de prédilection

à l'aune de vos propres heures d'écriture, essayez de deviner combien de jours et de feuillets déchirés, de crises de larmes et de bouffées d'orgueil leur a demandé telle ou telle phrase que vous trouvez si belle et qui, en effet, est tellement parfaite qu'elle semble être le fruit du hasard, une fleur éclose

par la Grâce de Dieu seul:

en fait, écrire, mais, plus encore, bien écrire, c'est beaucoup de travail...

mardi 23 avril 2013

" C'est la vie ! " est mort !

" C'est la vie !" vient de disparaître: quelqu'un l'a-t-il même remarqué? Non, bien évidemment. Certains savent-ils même ce qu'était "C'est la vie!"? Non, car il faut croire que " C'est la vie !" n'intéressait pas grand monde excepté moi, bien entendu. " C'est la vie !"

était mon premier blog

, c'est à dire celui-ci, jusqu'aujourd'hui: j'ai changé son nom pour permettre une recherche plus facile via internet, pour qu'enfin ce blog regorge de commentaires. Et aussi parce qu'"

écrire chaque jour

" est

le travail des écrivains

, la seule chose qu'on leur demande de faire et, quand on y pense, c'est plutôt un beau cadeau que de leur demander cela, non?
Voilà, " écrire chaque jour ", ça commence aujourd'hui.

lundi 22 avril 2013

Woodrow, le disciple


Photo en noir et blanc représentant l'ombre de deux mains sur la poitrine d'une femme.
Pourquoi Barthelemy "S." Woodrow Jr? Le "S" est pour Swine, la seule partie de ce nom qui lui soit personnelle, son père avant lui se nommant déjà Barthelemy S. Woodrow Jr, également d'après son père.

Barthelemy S. Woodrow Jr est

en prison pour meurtre

au moment où il reconnaît Fraser comme

son Maître à la fois spirituel et séculier

: de ce nouveau Sauveur, il sera le bras armé.

A un peu plus de 40 ans, Woodrow Jr ne fait pas son premier séjour en prison, et, à son sujet, peu de doutes subsistent quant au fait que

le meurtre était sa destinée

: enfance violente à torturer de petits animaux puis ses "camarades" de classe, (particulièrement les fillettes), un premier viol à 12 ans commis sur sa sœur plus jeune, d'autres, plus tard, entre

deux séjours en maisons de correction

, où il apprend à prendre juste assez d'héroïne pour décupler ses forces tout en restant suffisamment lucide pour apprécier les tortures qu'il inflige aux enfants plus faibles que lui.

Transféré en prison le jour de ses 18 ans

, il y reste à peine le temps qu'une énième réforme de la loi ne l'en fasse sortir, le jetant à la rue une fois de plus, ce qui le met en rage: n'ayant reçu aucun semblant d'éducation, sachant à peine lire et écrire, persuadé de sa propre nullité, d'être ainsi livré à lui-même le terrifie. Le monde, à l'extérieur de la prison, a vécu tant de choses dont il l'a tenu à l'écart, comment croire qu'il pourrait accepter son retour?

Tout juste sorti, à peine majeur, réputé responsable de ses actes et susceptible d'être puni en conséquence, Woodrow tue une jeune femme qui l'aurait, selon lui, "dévisagé avec mépris", (

pour reprendre les termes qu'il emploiera lors de son premier interrogatoire

). Le geste n'ayant de toute évidence pas été prémédité, Woodrow Jr est condamné à 20 ans de prison. Il ne s'en acquittera pas entièrement, étant remis en liberté après 16 ans

sans avoir eu à solliciter de remise de peine.


Il ne restera en liberté que deux semaines avant d'être arrêté de nouveau, assis à quelques mètres du cadavre d'un jeune homme disparu le matin même, dans le campement de fortune qu'il s'est bricolé pour le peu de temps qu'il sait devoir passer dans le monde extérieur. Après avoir accepté de répondre à certaines questions de la police, Woodrow Jr se tait, et restera muet jusqu'à

sa rencontre avec son Maître, Fraser

.


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Un Chemin de Sang, présentation.
Un Chemin de Sang, extrait: incipit.
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 23
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 24
Un Chemin de Sang, les personnages: Fraser, le "maître"

mardi 16 avril 2013

Fraser, le "maître"

Image représentant une empreinte de doigt sanglante
Fraser n'a pas de prénom car il n'en a pas besoin, ne connaissant personne qui puisse désirer l'appeler de manière affectueuse: il est probable que sa mère lui ait donné des surnoms lorsqu'il était petit, mais, pour éviter de penser à cette honte,

Fraser s'est débarrassé de son enfance comme de sa génitrice.


Fils unique d'

un père richissime, narcissique et violent,

Fraser a repris le flambeau paternel de la finance jusqu'à

son exil dans le Maine.

Au sein d'une existence menée à l'abri de tous, dans une solitude parfaite acquise pour quelques millions,

le goût du meurtre

s'impose à lui sans crier gare, un après-midi ensoleillé, au hasard de la visite d'un employé de maison.

Après cette première fois, le désir de recommencer se fait pressant et, les moyens ne manquant pas, Fraser entame un périple européen sur des routes jusqu'alors inconnues de lui mais qu'

il jalonnera rapidement de traces de sang de plus en plus nombreuses.


Fraser

aurait-il songé à tuer

si ne s'était présentée cette première occasion? Les réponses vont diverger selon qu'on prône une destinée inscrite dans les gênes et s'accomplissant fatalement,

quels que puissent être les conditions de vie et les choix individuels,

ou que l'on revendique

une liberté humaine irréductible à l'environnement, au patrimoine génétique et aux circonstances.


Il n'est pas rare de rencontrer

des tueurs en série issus de familles aimantes,

des criminels sanguinaires souriant sur les photos de familles,

 (Ted Bundy), des meurtriers sadiques réputés pour leur bonhomie et aimant se déguiser en clown pour divertir les enfants hospitalisés.(John W. Gacy)John W. Gacy, tueur en série américain, déguisé en clown pour amuser les enfants hospitalisés, son passe-temps du Dimanche. A l'inverse, des enfants soumis pendant des années aux pires sévices deviennent parfois des adultes exemplaires, des citoyens modèles et les meilleurs amis que l'on puisse rencontrer.

Quant à savoir s'il était écrit que Fraser devait

tuer un jour et y découvrir sa vocation,

lui issu d'un père froid et cynique et d'une mère soumise, élevé dans l'aisance matérielle et le silence des sentiments, éduqué pour ne connaître aucun scrupule, la question reste entière, pour nous autant que pour lui.

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Un Chemin de Sang, présentation.
Un Chemin de Sang, extrait: incipit.
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 23
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 24
Un Chemin de Sang, les personnages: Woodrow, le disciple.

Quiz: phishing or not phishing?

Ceux d'entre vous qui ont lu le post précédent n'auront pas de mal à répondre, (ou alors c'est que je m'exprime vraiment mal, auquel cas il est important de me le faire savoir, afin que j'abandonne l'écriture et opte pour la danse africaine ou la cuisine moléculaire...)

Quant à ceux qui n'auraient pas lu "Encore heureux qu'il y ait des fautes...":
1) C'est mal!
2) Mais il n'est pas trop tard pour bien faire
3) Voyez par vous-mêmes
Chacun peut s'amuser à relever toutes les fautes qu'il remarque et poster ici le résultat, nous pourrons ainsi désigner le plus fin limier de nous tous.
Voilà le chef-d'oeuvre, (remarquez la phrase d'intro, tout en subtilité d'escroc...):

Attention: Ceci n\\\'est de aucune façon un e-mail de contrefaçon, ceci est envoyé par le Support clientèle de Verified by Visa !
Cher Client Verified by Visa ,
Votre Carte Bancaire est temporairement suspendue , Car Nous avons remarqué un problème sur votre carte.
Nous avons déterminer que quelqu\\\'un a peut-être essayer d\\\'utiliser Votre Carte sans votre autorisation. Pour votre protection, nous avons suspendue temporairement votre carte de crédit. Pour lever cette suspension, Cliquez ici suivez la procédure indiquer pour Mettre à jour de votre Carte Crédit.
Note: Si ce n\\\'est pas achever le 31 mai 2013, nous serons contraints de suspendre votre carte !
Veuillez notez que dans 50 % des cas vous recevrez cette e-mail dans la boite SPAM, ceci est a cause de l\\\'augmentation de la sécurité des services d\\\'emailing que vous utilisez.
Nous vous remercions de votre coopération dans le cadre de votre dossier.
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Encore heureux qu'il y ait des fautes...

jeudi 11 avril 2013

Encore heureux qu'il y ait des fautes...

Reçu cette semaine trois

mails catastrophistes,

le premier m'annonçant la coupure imminente de l'électricité chez moi, le second m'informant que des mails frauduleux annonçant d'imminentes coupures d'électricité circulaient, le troisième désirant me mettre en garde contre le fait que je ne pourrais bientôt plus faire d'achats via internet si je ne remettais pas à jour mes coordonnées bancaires...

Trois tentatives de "phishing" ou "hameçonnage",

pour parler la langue de chez nous: copiant la mise en pages de grands groupes privés ou publics, (ici, en l'occurrence, notre distributeur d'énergie national ainsi qu'une banque ayant pignon sur rue), des escrocs vous condamnent aux pires tourments si vous ne "mettez pas à jour vos données". En deux ou trois pages fort habilement imitées, vous voilà en train de taper votre code de carte bleue sur ce que vous croyez être une page sécurisée d'EDF et qui n'est en fait que la façade sophistiquée d'une escroquerie de

margoulins de bas étage.


Comment savoir si ce que vous recevez est une de ces arnaques, surtout si elle n'arrive pas dans vos

"courriers indésirables"

mais atterrit comme par magie dans votre boîte-mail officielle? Il existe jusqu'à présent un seul et unique moyen de repérer à tous les coups les messages malveillants: les lire! La spécificité de ces cochonneries?

Les fautes d'orthographe!

Plus d'une faute dans l'ensemble du document et vous pouvez être certains d'avoir sous les yeux une de ces arnaques à grande échelle. Jusqu'à maintenant, cela reste la seule façon de séparer le bon grain de l'ivraie.
Pourquoi donc les escrocs, si "habiles" à

contrefaire l'apparence de sites officiels,

se permettent-ils de traiter si négligemment la rédaction de textes qui doivent tout de même

nous amener à nous délester d'une bonne partie de notre compte en banque?

Allez savoir... Ces messages viennent-ils de l'étranger, rédigés par des personnes dont le français n'est pas la langue maternelle? Ces malfaisants croient-ils sincèrement écrire correctement? Se moquent-ils de ce qui est écrit, (et de nous, par là-même), se disant que, les fautes faisant partie du paysage, les leurs passeront inaperçues et pourraient même rajouter un soupçon de véracité à un texte qu'une rédaction irréprochable rendrait presque trop poli pour être honnête?...

Je ne sais pourquoi ces tentatives d'hameçonnage sont systématiquement des dictionnaires de français bancal, mais j'espère que cela va durer, pour nous forcer à

repasser nos leçons de grammaire et nos règles d'accord

, notre seule arme contre ce vol organisé.

Ne boudons donc pas notre plaisir mais réjouissons-nous enfin du fait qu'internet soit

la cause numéro un de la déchéance du français écrit!


Quant à

ceux qui savent qu'ils font des fautes mais n'ont pas envie de les rendre publiques,

LE site où trouver quelqu'un pour corriger vos textes, c'est CCorrect !

Quiz: phishing or not phishing?

vendredi 5 avril 2013

Iris Murdoch, interview filmée: à propos de littérature et de philosophie



Une interview d'Iris Murdoch dans laquelle le journaliste s'épanche longuement, en introduction, sur

la piètre qualité littéraire des philosophes:

Kant et Aristote étant de grands penseurs mais d'exécrables écrivains, Hegel pouvant fièrement brandir le titre d'auteur le plus illisible de tous les temps, chère Iris Murdoch, comment pouvez-vous concilier les deux, vous qui avez été

prof de philo à Oxford?


Incipit

"Bien qu’immensément riche, Fraser avait toujours su que son argent ne le protègerait pas éternellement de la mort. Non que sa fortune lui eût attiré l’inimitié des envieux, bien au contraire : le milliardaire avait bâti sa vie et son pécule sur la certitude que la discrétion est le meilleur moyen d’éloigner de soi la menace d’une mort prématurée.

Il maniait depuis toujours les millions de son héritage en silence, les investissant dans des placements au creux desquels ils proliféraient sans bruit, étendant des ramifications délicates jusque dans les banques mondiales où des employés en gants blancs les couchaient sans heurts dans des coffres aux portes d’acier discrètement poli.

Jamais, de sa vie, Fraser n’aurait osé faire un placement malhonnête : il avait si peur du scandale qu’il aurait préféré perdre 100 millions en silence que d’en récolter 10 avec fracas.

Ainsi vivait-il, sans peur d’un mauvais coup ni d’être trahi par ses amis, puisqu’il n’en avait pas, et, tous les soirs, c’est sur la pointe des pieds qu’il fermait les 19 portes des 19 pièces de son manoir autrefois anglais mais démonté pierres par pierres et acheminé sans bruits des années auparavant dans ce coin du Maine qu’il appréciait tant pour sa neutralité, seul, à l’abri des tumultueuses amours et des enfants criards.

§§§

En ce matin du 3 Avril, Fraser se mit à songer à sa mère, comme il lui arrivait aussi quelquefois de repenser au chien qu’il avait tué un mois auparavant car il aboyait trop : comme ils auraient pu vivre heureux ensemble, sa maman et lui, dans le beau manoir, à l’abri de tout, si la vieille femme n’avait eu la stupide habitude de se lier d’amitié avec n’importe qui…

Fraser se prenait souvent à rêvasser qu’il était né orphelin de mère, élevé par Papa seul - le cher homme ! - dans le saint respect de la propriété privée et la crainte absolue de toute fréquentation… Hélas, puisqu’il ne pouvait en être autrement, le milliardaire avait dû envoyer cette femme trop cordiale à 6000 km de là, en Floride, dans ces résidences ultra sécurisées pour personnes d’un certain âge dont les enfants ont tous fait fortune sans bruits.

A ce moment-là de ses rêveries, Fraser sursauta en entendant résonner le cri strident de la sonnette délaissée du portail de l’entrée : il se réjouit une fois de plus d’avoir fait installer partout des caméras de surveillance pour protéger son intimité, et reconnut sur les images du petit écran de la cuisine, (le même qui figurait dans chaque pièce du manoir), une camionnette de jardinier.

Il en eût une petite moue agacée, comme à chaque fois que quiconque paraissait dans son champ de vision. Néanmoins, le premier dégoût passé, il dût bien de résoudre à ouvrir au jeune homme qu’il avait lui-même mandaté pour s’occuper du parc dont le superbe gazon anglais à la beauté feutrée menaçait de dégénérer en chiendent.

« Attendez un instant ! », dit-il au jardinier par l’interphone, « je termine quelque chose et je vous ouvre ! »

Un œil toujours rivé sur l’image du moniteur, Fraser attrapa son téléphone d’une main et son répertoire de l’autre : il avait toujours jugé prudent de s’abstenir d’enregistrer sur son portable les numéros des rares personnes avec lesquelles il n’avait d’autre choix que d’être en relation, craignant que le téléphone ne soit volé par un de ces malfaisants qui couraient les rues, et qui en auraient profiter pour raconter des atrocités en son nom.

Ayant composé le numéro de l’agence de services chargée d’envoyer le jardinier, et une fois les vérifications faites auprès du directeur lui-même quant à l’identité du jeune homme qui, patiemment, attendait toujours devant le discret portail qui protégeait l’entrée de l’immense domaine, Fraser, poussant un soupir de dépit, n’eût plus qu’à se résigner à ouvrir à cet intrus qu’il avait lui-même invité.

Suivant sur les écrans l’avancée de la camionnette le long de l’allée centrale bordée de persistants toujours fournis, et chacun équipé d’une caméra panoramique, Fraser vit le jeune homme se garer sur le sol de terre battue de la surface duquel avait été bannie toute trace de gravillons, jugés trop bruyants.

Descendu de voiture, le jeune homme ne perdit pas le sourire lorsqu’il ne reçut qu’un froncement de sourcils en réponse à son « Bonjour, Monsieur ! », non plus que lorsque le milliardaire fit semblant de ne pas voir sa main tendue. Il ne commença de s’étonner qu’au moment où, demandant quelle partie du parc il se devait de traiter en priorité, il constata que son interlocuteur gardait la bouche résolument fermée. Le jardinier ne peut pas savoir que, dans le crâne de Fraser, se sont mises à rugir des vagues déchaînées de panique, à gronder un raz de marée déclenché par une seule obsession : se débarrasser de lui au plus vite !

Depuis qu’il a dû se résoudre à ouvrir le portail, le milliardaire a entrevu 100 000 cauchemars nés de la seule intrusion d’un être vivant entre les murs invisibles de son univers clos.

Ce soi-disant directeur qu’il vient d’appeler, à l’agence, n’est-il pas déjà en train de raconter à toutes les secrétaires qu’un de leurs employés tond la pelouse chez un sale richard, (comme les gagnepetits appellent ceux qui ont réussi) ? Les traînées vont s’empresser d’aller répéter ça au bistrot du village, où elles retrouvent tous les soirs tous les pue-la-sueur du Conté qui, pauvres et sans scrupules, ont toujours rêvé de cambrioler le manoir ! Le jardinier partage bien sûr le lit d’une des filles et fait exprès de lambiner dans son travail pour avoir à revenir le lendemain : cette fois-là, il amène avec lui une de ces filles qu’il veut lui coller dans les pattes, à lui, Fraser ! Elle cherche à lui faire dire où est l’argent, dans quelles villes ses comptes en banque ? Sous quels numéros ? Quelles combinaisons pour ses coffres ? Et si elle osait le demander, (mais, bien sûr, elle ose !), est-ce qu’il ne veut pas ouvrir une assurance-vie à son nom à elle, qui saura être très gentille pour le remercier ? Une fois l’assurance vie signée, la suite coule de source: l’agence de services toute entière n’est qu’une façade et, une fois le riche assassiné, la fille récupère l’argent de ce pauvre homme, partage avec les complices, (le soi-disant directeur, le soi-disant jardinier, et tous les autres !), et chacun peut dès lors jouir à loisir de l’immense fortune acquise, pourtant, à force de mérite. La prétendue agence de services existe depuis quelques mois à peine et voilà qu’elle regorge déjà de jardiniers, de gardes d’enfants, et même d’employés de maison, des gens que vous payez pour voler chez vous dès que vous avez le dos tourné !

Fraser ne va pas se laisser faire comme ça, et certainement pas par une petite garce, lui qu’aucune femme ne peut se vanter d’avoir connu : ce type en face de lui, sur le perron de son propre manoir, prétend venir tondre la pelouse mais il commence par vouloir lui serrer la main, dire bonjour et faire la conversation… Il va, bien entendu, demander à s’asseoir pour discuter, et à rentrer dans la cuisine, à l’ombre, parce qu’il commence à faire chaud, puis il voudra boire un verre, deux, trois…, dans le but de saouler l’homme riche - celui qui a réussi et qu’il jalouse – pour lui asséner un mauvais coup en faisant croire qu’il s’est cogné tout seul parce qu’il était ivre, mais, à la fin de la journée, il n’hésitera pas à demander à être payé pour sa journée, et avec le consentement du directeur de l’agence de services, par-dessus le marché, puisqu’ils sont tous de mèche !!!

Fraser peut-il sérieusement accepter ça ? Lui qui a passé toute son existence à la cacher peut-il se résigner à accepter son sort alors qu’il sait pertinemment ce qui va se passer ?

Tandis que le jardinier commence à trouver le temps long devant ce monsieur aux sourcils froncés qui le scrute avec l’air de ne pas le voir, et qu’il sort des outils de sa camionnette, Fraser avise la bêche posée en équilibre contre la portière de l’engin. La propreté rutilante de l’outil lui fait penser que, vraiment, ces truands ne sont pas bien malins : un peu de terre sur l’acier aurait rendu plus crédible ce faux jardinier ! Qui comptent-ils berner avec cette pelle volée de la veille dans un petit magasin de jardinage et ce râteau brillant comme un accessoire de théâtre ?

De penser que de sinistres imbéciles peuvent croire que lui, Fraser, va gober une entourloupe si grossière le rend malade de colère ! Il attrape l’outil et, d’un coup sec, en fracasse le crâne du jeune homme qui s’affale dans un bruit mat sur la terre battue.

Fraser repense alors au chien qu’il a tué un mois auparavant et se souvient qu’il a hurlé, lui, juste avant de mourir ; il sait aussi qu’un chat se débat avec fureur quand on l’étrangle ; il se souvient des convulsions d’agonie des pigeons qu’il a empoisonnés à cause de leurs fientes dégoûtantes sur le balcon de la petite chambre du premier étage…

Calme de nouveau, le milliardaire reprend son souffle en regardant à terre le corps inoffensif de son ennemi imaginaire, tandis que quelques gouttes de sang coulent lentement sur l’acier rutilant de l’outil."
La suite sur Amazon.fr !


Un Chemin de Sang, présentation
Un Chemin de Sang, les personnages: Fraser, le maître.
Un Chemin de Sang, les personnages: Woodrow, le disciple.

jeudi 4 avril 2013

Ce que vous savez d'"Ulysses", de James Joyce

Je viens de commencer

la lecture d'"Ulysses" de James Joyce,

(en anglais, s'il vous plaît, version extraite des Œuvres Complètes aux éditions Delphis, disponibles en e-book sur Amazon à un prix défiant toute concurrence). Jusque là, me serais-je passée de vous l'annoncer que cela n'aurait pas changé votre vie, je sais...
Si je me permets de vous le clamer, c'est que j'ai besoin de vous pour m'éclairer sur un (premier) point:

quel est le rapport entre le roman de Joyce et l'"Odyssée" d'Homère?


J'ai cherché mais n'ai pas encore trouvé de réponses satisfaisantes, ou, tout au moins, pas satisfaisantes pour moi...
Je pourrais bien me passer de le savoir, certes, néanmoins...
Donc, avis à ceux qui veulent bien m'offrir leur savoir à ce propos!


Peinture du Primatice représentant Ulysse affrontant les sirènes et franchissant Charybde et Scylla

"Ulysse affronte les sirènes et franchit Charybde et Scylla", du Primatice, (Francesco Primaticcio, 1504-1570)

(Léger) désordre et beauté


Une vue du

jardin de Claude Monet à Giverny, en France

.
C'est aussi ma photo de profil car elle résume

ce à quoi j'aspire: la sérénité, la chaleur, le calme,

et bien d'autres choses encore, car cela peut être infiniment riche, un petit bout de jardin...

dimanche 31 mars 2013

Un Chemin de Sang, roman policier en français


Couverture de mon livre Un Chemin de Sang

Fraser,

multimillionnaire américain reclus dans son immense demeure du Maine,

découvre qu'il prend plaisir à

assassiner de parfaits inconnus.


Dès lors, il en fait le but de sa Mission: débarrasser les "médiocres" de cette vie ordinaire qui leur pèse même s'ils n'en ont pas conscience, et

instaurer un Ordre Nouveau sur la terre

enfin purgée de ceux qu'il considère comme des parasites.

Un meurtrier s'évadera de prison pour suivre sa trace, voyant en lui le Sauveur à la droite duquel il rêve de siéger lors de

l'avènement de la Nouvelle Humanité.


Deux enquêteurs

les rejoindront le long de ce chemin de sang qui les aura menés jusqu'en Europe, aidés dans leur quête par une adolescente et guidés par un entrelacs de signes et de liens ténus.

Moi qui l'ai écrit ai du mal à classer "Un chemin de sang" dans la catégorie des "thrillers" plus que dans celle des

"romans policiers" ou "romans noirs":



- Les meurtres y sont décrits de manière crue car étant

le fruit d'esprits violents et de volontés perverses

, mais sans la débauche de détails que l'on retrouve dans bon nombre de thrillers.

- Le livre n'est pas l'écrin d'un seul et unique personnage central autour duquel graviteraient des faire-valoir secondaires, comme dans la plupart des romans policiers, (un enquêteur ou, plus rare, un tueur traversant les tomes), mais de nombreux protagonistes possédant chacun une identité et une psychologie propres.

- J'ai naturellement tendance à décrire en détails les lieux, paysages..., ce qui est plutôt du ressort d'une écriture "classique" que du polar...

Bref, les curieux pourront

télécharger gratuitement

les premières pages d'Un Chemin de Sang sur Amazon et même décider de l'acheter! (Une fois sur le site d'Amazon, profitez-en pour télécharger l'application "Kindle pour PC" proposée gratuitement par Amazon, qui facilite grandement la lecture: cela se fait en deux temps-trois mouvements et vous évite d'avoir des migraines après 5 minutes devant votre e-book...)

Un Chemin de Sang, extrait: incipit.
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 23
Un Chemin de Sang: extrait du chapitre 24
Un Chemin de Sang, les personnages: Fraser, le maître.
Un Chemin de Sang, les personnages: Woodrow, le disciple.

Pour être tout à fait honnête...

J'ai 40 ans et "Un chemin de sang" est mon second roman,

une fiction policière mêlant passages sanglants et analyses psychologiques

,

tueurs sans pitié et policiers dépressifs

. Je rêve d'être un Stephen King plus qu'une J.K. Rowling, (bien que je sois une femme): un auteur extrêmement prolifique, une référence, une sorte d'"écrivain de profession", le genre né comme ça, qu'on n'imaginerait pas faire quoi que ce soit d'autre...

Mais Stephen King vit-il retiré du monde? Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que, s'il est une chose que j'envie particulièrement aux écrivains, (entendez par là: à

ceux qui gagnent leur vie en écrivant

), c'est la possibilité qui leur est offerte de vivre une vie d'ermite s'ils le désirent, protégés qu'ils le sont par l'alibi parfait: l'écriture est une activité de solitaire!

En attendant de faire partie du sérail et de pouvoir m'offrir le loisir de ne côtoyer mes contemporains que lorsque bon me semble, je continue à vivre une vie bien quotidienne... Ce blog sera l'occasion de vous présenter mes impressions quant aux nécessaires relations que l'on se doit, (semble-t-il), d'entretenir avec ses congénères et, croyez-moi, elles sont rarement bonnes...

Ecrire chaque jour?

Je suis l'auteur d'un roman policier en français

et "Ecrire chaque jour" est mon blog: il y sera donc question de

livres, à lire et à écrire,

mais aussi d'états d'âme(s), les miens, les nôtres, les vôtres...

Pour tous ceux qui ont

souvent l'impression de parler une langue étrangère

et que l'on regarde avec de gros yeux ronds... Pour les hommes et les femmes qui se demandent parfois s'ils ne sont pas

des extra-terrestres dans ce monde...

Pour ceux que les réactions humaines ne laissent pas d'étonner, (et pas toujours avec bonheur...)

Vous aimez

lire, écrire, comprendre, réagir?



Venez parler

des livres que vous aimez, lire et poster des extraits d’œuvres

, suivre mes péripéties sur terre, mes démêlés avec l'humanité, la naissance de mon nouveau roman, le destin du précédent...!

Allons, suivez-moi et écrivons!